Une aiguille dans une meule de foin[France - Serris]

 Voyage en voiture avec Matt

La voiture avait contourné la brume polluée de la capitale pour se diriger vers le seul aéroport de la région. De part l'utilisation très rare des avions, devenus trop chers, les aéroports avaient été déplacés bien loin des centre-ville. C'est là où les jeunes gens étaient emmenés. Trop concentrés à soutirer le maximum d'information possible, ils ne pensèrent pas à l'endroit où il souhaitait que le français les dépose. Tant est si bien qu'ils se retrouvèrent sur le parking de la gare-aérodrome de Serris, pôle majeur de transports de la région. Matt descendit de la voiture, les salua et sans trop de grandiloquence, il redémarra et les laissa seuls sur le bitume où s'affairaient des centaines et des centaines de personnes, bien loin des considérations deux des amis.

"Bon... Direction la gare."

Jeremiah avait salué Matt tout aussi sobrement que celui-ci puis réajuster son sac sur le dos alors que la voiture s'éloigner. La fin du trajet l'avait laissé songeur, l'humeur assombrie. Il était fatigué et cette petite expédition devenait dangereuse. Ajoutés à cela que l'organisation à laquelle il appartenait n'avait pas l'air d'en avoir fini avec les affaires louches et qu'il faisait tout ça pour un type qu'il n'appréciait même pas et on touchait le fond.

D'un pas las mais résolu, le geek entraîna son ami vers le hall de gare. Ils auraient tout le temps de discuter des révélations de Matt, pour le moment, il leur fallait des billets avant qu'il change d'avis et décide de rentrer chez lui, loin des choucroutes françaises ! Évidemment, il évita les guichets avec de vrais gens pour se diriger vers une borne informatique. Fallait pas déconner non plus.

"J'ai faim." Informa-t-il son compagnon de route en cherchant la bonne destination dans la liste.

L'Autrichien salua sobrement Matt, après l'avoir remercié, puis se dirigea à l'intérieur, où le soleil plombait moins.

"Tu crois qu'on est trop jeunes pour la retraite?", ronchonna-t-il à mi-voix, fort conscient que leur statut international leur empêcherait toujours les moindres réelles vacances.

Michael avait parfois tendance à traiter Jeremiah comme un de ses frères cadet. Aussi, lorsque le geek annonça qu'il était affamé, faces aux bornes, le tyrolien lui posa la main sur l'épaule et lui offrit :

"Tu t'occupes des billets, moi je vais chercher ton burger favori. Je te rembourserai."
"Reste aux aguets", ajouta-t-il à mi-voix.

Et il s'en fut vers l'espace bouffe, dont la moitié des enseignes étaient fermées, dans l'espoir de trouver un Burger Geek et d'y acheter deux MacGeeks en menu. Il s'était déjà demandé si Miah aimait réellement ce burger ou si ce n'était son favori qu'en raison du nom.

Il restait lui aussi aux aguets : peut-être verrait-il un visage connu ou encore quelqu'un qui les observerait, qui sait?

Jeremiah se plongea dans l'interface surannée du logiciel d'édition de billet. Après s'être assuré que le geek serait prudent, les deux amis se séparèrent. Michael se fraya difficilement un chemin à travers ce hall grouillant de passagers pressés. Famille en transit, travailleurs affairés, tous les clichés étaient réunis en ce lieu sobre et terne. D'immenses panneaux particulièrement lumineux indiquaient en temps réel les arrivées imminentes et la localisation précise de chaque train à destination de Serris. Tous les regards du hall convergeaient dans leur direction. Des portiques métalliques délimitaient l'entrée aux quais. La partie aérodrome était bien séparée de la gare, il fallait prendre d'interminables tapis-roulants pour rejoindre son avion. La partie restauration se trouvait au sous-sol dans une galerie commerçante où des âmes errantes attendaient leur départ prochain.

Arrivé au comptoir, Michael attendait patiemment son tour lorsqu'une étrange sensation lui parvint. Il avait la sensation d'être suivi de près, de très près. Il pouvait presque sentir le souffle d'une personne dans sa nuque. Il se retourna d'un mouvement sec pour se dégager et réaliser qu'il ne s'agissait que de la personne attendant derrière lui qui plissait les yeux pour mieux voir la carte des desserts affichée au dessus de la caissière. Michael soupira en se souvenant à quel point les française pouvait oublier les distances cordiales de sécurité et se replaça dans la file. Une image lui vint à l'esprit : une personne présente dans la foule, quelqu'un qu'il avait aperçu mais que son cerveau avait tardé à analyser. Il se retourna une nouvelle fois comme pour s'assurer qu'il avait bien vu ce qu'il avait imaginé voir. C'était bien ça : Markus. Markus Wiseman.

Comme happé par cette vision, il se détourna de la file et marcha en direction de la silhouette familière. Markus avait le visage fermé, les yeux froids, ce qui ne lui ressemblait pas. Michael avançait de pas marqués, comme pour s'assurer qu'il ne marchait pas vers un fantôme. Plus il avançait, plus la silhouette reculait. Il comprit rapidement qu'il avait à faire à l'hologramme de son ancien responsable, comme il avait l'habitude d’apparaître avant de... mourir.

« Rien à faire ici ! Dangeureux ! » cru t-il entendre. « Grégoire... Chez lui ». Soit Markus captait mal, soit son pouvoir était altéré. Quoi qu'il en soit, il ne pouvait communiquer que par bribes énigmatiques. Son visage ne changeait pas : froid et sévère. Michael continuait de suivre l'hologramme comme pour essayer de le rattraper. La course s'accéléra.

« Pas ici, en tous cas ! Jeremiah ! » finit-il par crier avant de s'évaporer dans la hall de la gare où Michael était revenu sans s'en rendre compte. Il était de nouveau devant les bornes automatiques, là où Jeremiah réservait des billets il y a quelques minutes. Mais Jeremiah n'était plus là.

  Jeremiah joue ici

La foule était toujours aussi dense dans une gare, et c'était quelque chose qui déplaisait grandement à Michael. D'abord parce qu'il aimait les grands espaces et avoir beaucoup de place pour lui, mais également parce que le côté "bête sauvage" de Miah avait fini par lui déteindre dessus, après toutes ces années. Surtout, surtout, ce n'était jamais très prudent pour un mutant d'être entassé sur les autres sans pouvoir voir venir les dangers potentiels, ni pouvoir réagir subtilement au besoin.

Michael suivi donc les panneaux indiquant l'ère des restaurants et fit la file. Il se demandait si Miah aurait assez faim pour manger son MacGeek en trio, lorsqu'il eut la désagréable sensation qu'on lui collait aux talons. Pour ne pas dire qu'on tentait de lui humer le coup à qui mieux mieux. Il se retourna vivement, de crainte d'être espionner et réalisa que le Français derrière lui était seulement grossier. Après l'avoir toisé un quart de seconde, Michael se retourna vers la caissière, puis se retourna de nouveau. Une silhouette familière lui était apparue dans la foule : celle de Markus. Il devait vérifier s'il hallucinait ou voyait réellement un mort. En effet, il le voyait bel et bien et, comme hypnotisé, il s'avança vers lui, d'abord tranquillement, puis en accélérant doucement.

Que disait Markus? Ils étaient en danger ici? Grégoire était chez lui? Où chez lui? Ses parents l'avaient mis à la porte. L'appartement de New York était-il ce à quoi Markus faisait référence? Michael avait la lourde impression que non. Lorsque Markus s'évapora en sous-entendant qu'ils cherchaient au mauvais endroit, Michael était à bout de souffle et réalisa au dernier mot de son ancien supérieur qu'il était de retour dans le hall d'entrée. En écho au cri de M. Wiseman, l'Autrichien héla Miah, sans réponse. Peut-être était-il parti aux toilette, pris d'une envie pressante de s'évader loin de la foule. C'était tout à fait son genre. Le souffle court, Michael partit en direction des toilettes, pour voir s'il ne retrouverait pas son geek favori.

Aux toilettes: personne. Mis à part quelques voyageurs effectuant leurs besoins intimes, personne.

Michael restait devant un choix compliqué: retrouver Jeremiah ou poursuivre sa mission seul et continuer à chercher Grégoire. Si tel était son choix, l'indication de Markus avait été claire: Grégoire était chez lui. Ainsi, soit il devait reprendre le premier avion pour New York, soit il devait essayer de se souvenir d'où habitait la famille de Grégoire, ce qui ne devait pas être difficile parmi les nombreuses choses que les deux garçons avaient échangées à New-York.

[Si Michael décide de reprendre un vol pour New-York, il devra se rendre à l'aéroport et prendre le vol partant dans quelques heures.
Si Michael décide d'aller chez Grégoire, à Reims, il devra se rendre à la gare et prendre le monorail partant dans quelques minutes.
Si Michael veut chercher Jeremiah, il perd son temps, mais peut quand même aller où il veut !]

Manifestement, et au malheur de Michael, Jeremiah n'avait pas eu une urgence de la vessie. Où était-il passé alors? Il n'était pas du genre à désobéir sans bonne raison, ni à se mettre en danger. L'Autrichien retourna dans l'aire d'attente et en refit rapidement le tour pour confirmer l'évènement : Jeremiah avait disparu. Le germanophone repensa alors à l'image de Markus qui lui était apparue. Si vraiment l'homme était décédé, ça sentait le piège. Si par contre il était toujours vivant, peut-être se trouvait-il avec Grégoire ou Jeremiah? Markus avait dit que Grégoire était chez lui, aussi Michael se dirigea d'un pas assuré vers les quais, s'arrêta quelques instants pour consulter l'horaire du monorail, puis reprit rapidement le chemin afin de ne pas rater son départ. Les parents de Grégoire, à défaut d'avoir revu leur fils récemment, sauraient peut-être où retrouver sa tante Ivoire. Le Français avait eu des moments difficiles avec ses parents, et avait dû couper les ponts, mais ceux-ci accepteraient probablement de l'aider.

Le germain ne s'attendait pas à retrouver Grégoire ou Jeremiah en se rendant là-bas, mais il ne croyait pas plus réaliste de retrouver son petit ni son grand ami à New York, surtout pas à l'appartement de Greg. Il espérait seulement que l'instinct paternel reprendrait le dessus et que les parents coopéreraient avec lui.

Le voyage de Michael se passa sans encombre. A peine une heure de monorail pour rejoindre la ville de Reims. Michael était entouré de voyageurs surchargés de bagages, de valises ou autres enfants encombrants qu'il devait éviter pour se frayer un chemin vers la sortie du véhicule, puis à travers les quais de la gare.

  Voyage en train