Appartement de Jeremiah et Michael - Grove Street

Déchirés. C'était probablement le mot qui décrivait le mieux les trois garçons. Sauf que chacun, de son côté, se refusait de voir que c'était partagé. Michael balançait entre deux amitiés, les deux autres entre une amitié et une inimitié jalouse. Si la position de Michael, dans les bras de Grégoire, aurait dû le rendre aux anges, se rappelant enfin le goût véritable de ce fruit défendu, l'Autrichien était pourtant bien loin de s'envoler. Il savait que le pauvre Jeremiah était bien plus ébranlé qu'il ne voulait le montrer, et qu'il le cachait mal derrière sa hargne, craignant de perdre un bon ami. Et puis, il n'était pas sans savoir que Grégoire n'appréciait pas non plus les requêtes de paix de son désormais petit-copain-à-nouveau.

Il ne put s'empêcher de lancer un regard par-dessus son épaule à Jeremiah qui s'évadait de l'endroit pour trouver un peu de... pour ne pas avoir à supporter cela, il fallait l'avouer. Et puis, il avait bien le droit d'être jaloux, qui ne pourrait pas le comprendre?

Aussi rattrapa-t-il le baiser du Français du bout des lèvres et laissa-t-il leurs doigts s'engouffrer les uns dans les autres. Les propos de Grégoire étaient rassurants et Michael lui sourit doucement.

-Vous le ferez rapidement, j'espère. Je pense que tu l'as beaucoup plus moralement que physiquement blessé...

Il soupira en massant le dos des mains de Grégoire de ses pouces, se demandant si le Français n'était pas aussi jaloux de Jeremiah, qui était, après tout, son meilleur ami depuis Johan...

-Au fond, vous avez raison. Je ne peux pas vous obliger à mieux vous entendre, je suis stupide de le croire.

Il aurait juste aimé que l'Américain et le Français se voient comme lui les voyait. D'un sourire, il embrasse Grégoire sur le nez, se disant que Miah maugréerait certainement sur leur côté fleur bleu.

La voiture à peine garée devant la maison, Ivoire ouvrit la portière et pivota afin de poser ses escarpins vernis sur le trottoir pavé. Elle se hissa hors de la voiture et alluma une cigarette. Elle tira une bouffée et leva la tête pour mieux appréhender le bâtiment devant lequel elle se trouvait.

"Grove Street" dit-elle a mi-mots.

Ivoire se demandait bien ce qu'elle allait trouver derrière ces quelques marches et cette porte. La curiosité était insoutenable et ne pouvait attendre que sa cigarette soit entièrement consumée: elle la laissa tomber dans un geste gracieux et se dirigea vers les quelques marches qui la séparait de ce "Mickael Kafferbeurk" ou quelque chose comme ça.

Ivoire rechaussa ses lunettes de luxe sur son nez afin de parfaire son entrée, ne sachant sur qui elle allait tomber nez à nez. Un sourire en coin, elle sentait qu'elle était sur le point de vivre un grand moment et trépignait d'impatience. Elle frappa trois petits coups sur la porte, certaine que quelqu'un n'était pas loin.

Jeremiah aurait aimé être en tête à tête avec son café mais il avait beau essayé de toutes ses forces, il était vraiment difficile d'ignorer les deux guimauves à côté. Heureusement qu'il n'avait pas sucré sa tasse, il était sinon bon pour la crise d’hyperglycémie ! Qui, comme chacun le savait, ne réussissait vraiment pas aux aigris. Ça faisait trop prendre conscience de sa propre amertume. S'étant redressé pour tourner le dos aux deux garçons et fixer avec morosité leur télé, les quelques coups frappés à la porte, pourtant légers, le hérissèrent encore plus. Il avait beau mieux le cacher aujourd'hui, son côté chat sauvage n'avait jamais vraiment disparu et les agressions sur son territoire le rendaient nerveux.

"J'y vais." Grogna-t-il aux deux autres sans les regarder, une fois que le cerveau eut étouffé l'instinct en lui faisant comprendre que c'était un bon échappatoire pour s'éloigner du couple. S'extirpant du canapé, le geek passa inconsciemment bien au large de son colocataire et de Grégoire pour rejoindre la porte, retombant dans ses vieux travers en refusant d'entrer en contact.

"Heu... Oui ?"

L'inconnue qui se tenait sur le perron était suffisamment étonnante dans le contexte pour que sa bouderie s'efface un peu, remplacée par la surprise. C'est à dire qu'il n'avait pas l'habitude de fréquenter ce genre de femme et il la dévisagea un instant comme s'il était agi d'une apparition. Trop sophistiquée pour être réelle.

"Je peux vous aider ?"

Grégoire fondait littéralement, les yeux plongés dans ceux du bel autrichien. Il attendait ces retrouvailles depuis tellement longtemps que cette situation lui semblait presque naturelle tan il l'avait imaginée secrètement.

Il ferma les yeux alors que Michael vint l'embrasser délicatement. Ce dernier essayait de rationaliser la dispute entre les deux hommes.

"On ne peut forcer personne à s'apprécier, tu sais. Mais... je ferai tout ce que je pourrais. C'est promis." Il aurait aimé ajouter qu'il l'aimait, qu'il ferait tout pour lui mais ces mots ne sortirent pas, cachés derrière la carapace fissurée qu'il tentait de préserver pour ne plus souffrir encore et encore.

Alors qu'il allait proposer à Michael de laisser le geek respirer en sortant faire un tour, il entendit des coups à la porte. Soudain très gêné, il se détacha de l'étreinte de son ami et se décala afin de ne pas être dans l'ouverture de la porte, histoire de ne pas être vu. Réaction typique d'un mec qui ne s'assume pas.

La porte s'ouvrit sur un jeune homme mal coiffé et à l'air renfrogné. La politesse n'était visiblement pas son fort à la manière dont ce dernier bafouilla avant de demander à la blonde ce qu'elle voulait sans même lui dire bonjour.

Ivoire ne perdit pas son sourire pour autant. Elle retira ses lunettes, par correction et secoua la tête afin de dégager son visage de ses mèches de cheveux.

"Bonjour, je suis désolé de vous importuner mais je suis à la recherche d'un jeune homme et je crois que vous savez où il est " dit-elle en finissant sa phrase par un clin d'oeil et une petite pichenette sur l'épaule de l'américain.

Avant même que Jeremiah ne puisse répondre, elle regarda par dessus son épaule et distingua quelqu'un en retrait, dans la maison. Comme par magie, la porte s'entr'ouvrit légèrement ce qui permit à Ivoire de voir le visage de Michaël.

"Mickeäl ? Je recherche Grégoire et je pense qu'il ne doit pas être loin" demanda t-elle en passant du regard un colocataire puis l'autre, ne se doutant pas qu'il était plus prêt qu'elle ne le croyait.

Pendant que Grégoire échangeait à Michael les plus belles promesses du monde, Jeremiah grognait et jalousait probablement les deux amis réunis. Au même moment, quelqu'un sonna. Les réactions furent instantanées, à l'exception de celle de Michael, surpris. Jeremiah s'était rué -contre son habitude- vers la porte comme une mouche se jette sur une lueur d'espoir, et Grégoire s'était retiré derrière le pan de mur. Une femme blonde se trouvait devant la porte de l'appartement. Elle traitait avec Jeremiah comme on gère un enfant, retira ses lunettes et se repeigna, avant de s'adresser à Michael. Elle connaissait à la fois son nom et celui de Grégoire, mais l'Autrichien ignorait le sien. À première vue, elle pourrait travailler pour Ganymède, être avocate ou femme d'affaire. Chasseuse de tête au pire. Toutefois, comme ni lui ni l'Américain ne semblait l'avoir déjà vue, Michael préféra se montrer méfiant.

-Il n'y a pas de Grégoire à cette adresse. Vous devez vous être trompée, madame. Je suis désolé.

Il ne cilla pas lorsqu'un courant d'air poussa la porte : il ne s'agissait peut-être que de Grégoire qui usait de son pouvoir pour on ne savait trop quoi.

Jeremiah haussa un sourcil, suivant d'un regard sceptique la main qui lui envoya une pichenette sur l'épaule, sans faire mine de sourire en réponse au clin d’œil de la jeune femme. Ça n'était pas un jour à lui demander de garder les quelques habitudes civilisées qu'il avait fini par réussir à prendre.

"Grégoire ?" Malgré un léger recul pour éviter la porte qui s'était entrebaillée, il était toujours placé entre l'inconnue et le reste de l'appartement, y compris son colocataire et le niais de celui-ci qui se planquait. Jeremiah se retourna néanmoins vers Micha', le regard interrogatif. Y avait-il quelque chose à propos duquel il n'était pas au courant pour que l'autrichien nie la présence d'un mec à moins d'un mètre d'eux ? Ceci dit, le mec en question avait peut-être fait un signe à son petit ami pour lui dire de se taire. Malgré son rejet instinctif de tout ce qui avait rapport à Grégoire, l'américain ne s'était jamais senti l'âme d'une balance. Le linge sale se lavait en famille, il n'avait pas besoin d'une blondasse pour pourrir la vie du français.

"Apparemment non. Autre chose ?"

La jeune femme écouta Michael puis Jeremiah mentir éhontément. Alors que les deux jeunes gens faisaient tout leur possible pour préserver Grégoire sans trop savoir pourquoi, le visage d'Ivoire tournait en une moue déçue et infantile. Elle rechaussa ses lunettes, l'air renfrogné.

Juste à côté de Michael, le français se terrait toujours dans un silence complet. En tournant la tête, l'autrichien put se rendre compte que le français avait les yeux ronds et l'air ahuri. Comme si la voix de la jeune femme avait fait résonner en lui quelques souvenirs étranges ou quelques craintes dissimulées.

La jeune femme s'apprêtait à tourner les talons et à repartir d'où elle était venue lorsqu'elle s'arrêta brusquement pour de nouveau s'adresser aux garçons par dessus ses lunettes fumées: "Dites-moi, vous n’essaieriez-pas de me mentir quand même ?" dit-elle dans un large sourire équivoque. La jeune femme était joueuse, jusqu'à un certain point. "Le mieux c'est que peut-être je l'attende ici le temps que vous réussissiez à le joindre, non ? Je me ferai toute petite !"

Et avant même que Jeremiah puisse dire quoi que se soit, il dut reculer pour laisser entrer la femme qui malgré son apparence chétive semblait détenir une force certaine, jouant également avec l'effet de surprise. Grégoire n'eut le temps de se dégager et apparu à quelques mètres de la porte, l'air empêtré.

A la vue du jeune français, la mine d'Ivoire changea et afficha un ostensible sentiment de victoire. Elle lança un regard déçu vers les deux compères qui avaient fait leur possible pour éviter cette rencontre.

"Bonjour chéri. Tu te caches de moi ? C'est nouveau ça ! Tu viens, j'ai pas mal de choses à te dire. Tu devineras jamais jusqu'où je suis allé pour te retrouver !" dit Ivoire sur un ton léger et musical.

Grégoire ne bougeait pas, regarda Michael, puis Ivoire de nouveau.

"Mais qu'est-ce que tu fais là tata ?" dit-il en français.

La situation était étrange, voire déplaisante. Alors que la ravissante femme s'invitait et s'imposait comme en sa demeure, Grégoire avait l'air ahuri et Jeremiah, égal à lui-même, coopérait et jouait, à sa manière, les chevaliers servants alors que pas plus de cinq minutes auparavant, il aurait semblé capable d'arracher la tête de Grégoire, ou peut-être même celle de Michael.

Un peu déboussolé, l'Autrichien ne fut pas assez rapide pour répondre à la dame et s'empêtra seulement dans une hésitation sonore, cherchant à comprendre ce qui se passait et à s'expliquer la situation. Lorsqu'elle entra finalement et vit un Grégoire mal à l'aise, la femme d'affaires eut une expression victorieuse qui rappelait à Michael une veuve noire qui s'apprêtait à dévorer son mari. Non pas qu'il ait déjà vu une araignée sourire, mais...

Qu'est-ce que Grégoire avait répondu? Bon sang qu'il parlait vite quand il voulait! Et puis, pourquoi ne séparait-il pas les mots comme son prof de Français avait appris à Michael à le faire? Tout ce que l'Autrichien parvint à déchiffrer, ce furent le premier et le dernier mot. Qu'est-ce que Latata pouvait-bien vouloir dire? On aurait dit le titre d'une chanson latine, ou le nom d'une femme. C'était l'ex-copine de Grégoire!

Michael bondit aux devants de Grégoire, comme une ourse devant ses oursons et s'enquit :

-Qui êtes-vous?

Il était peut-être un peu trop tard pour faire une telle demande, mais comme le veut l'adage, mieux vaut ca que jamais!

Loin du chevalier servant qu'imaginait Micha', Jeremiah se rapprochait plutôt du bourreau possessif. Il était tout à fait capable de faire de la vie de quelqu'un un enfer sans qu'une inconnue vienne s'y incruster avec ses mèches peroxydées. Cependant, la dite inconnue fut vite dans la place et le geek se renfrogna. Que Grégoire n'apprécie pas sa présence lui était égal mais l'américain n'était pas seulement possessif, il était aussi très territorial. Revenant en arrière en fermant la porte (on était pas dans un moulin bordel), il croisa les bras, le café toujours à la main.

"Et accessoirement, ça vous arrive souvent de rentrer chez les gens comme ça ?"

Ivoire eut l'impression que les deux jeunes gens sortaient les griffes et cela ne lui plaisait pas beaucoup. Chacun à leur tour et à leur manière semblait lui faire comprendre que son intrusion n'était pas la bienvenue voire déplacée.

Elle se tourna d'abord vers Michael et lui tînt dans un allemand impeccable:
"Je suis sa tante" dit-elle en appuyant sur le dernier mot qui lui donnait la légitimité et l'autorité que la question de l'autrichien semblait remettre en question. Elle continua en anglais, afin d'être comprise de tous. "La famille de Grégoire est très inquiète pour lui ici et... on craint bien qu'il ait fait de mauvaises rencontres. Oh, on ne parle pas de vous bien sûr, vous avez l'air charmants" dit-elle en riant et en s'approchant de Michael pour lui toucher l'épaule en guise de consolation.

Le visage de Grégoire s'était muré derrière un voile sombre et dur. Il semblait ne plus être le même. Elle s'approcha de lui et le prit par la main alors qu'elle se retournait vers Jeremiah:
"Oui, c'est un peu cavalier, c'est vrai, j'ai tendance à toujours me croire un peu chez moi. Mais je ne vous embête pas plus, nous y allons. Désolé pour le dérangement mais... si vous ne m'aviez pas menti dès le début, tout aurait été bien plus simple" dit-elle en lançant un clin d'oeil à l'américain.

Grégoire suivait sa tante, l'air las et toujours incroyablement silencieux, jusqu'à se retrouver dehors, sur le pas de la porte d'où il lança un regard vers Michael puis vers Jeremiah pour revenir vers Michael. Si la scène n'avait pas été si insolite, on aurait pu croire à des adieux.

Sans que personne n'ait touché à la porte, elle se referma lentement sur les deux français qui quittaient le bâtiment.

Michael voulut tendre la main à Ivoire pour se racheter, un peu confus par sa méprise. En même temps, après l'attaque que leur avait faite subir les quatre hystériques, il ne fallait pas trop s'interroger longtemps à savoir pourquoi...

-Enchanté, Madame. Je suis Michael, son...

Interloqué, l'Autrichien eut un mouvement de recul lorsqu'elle voulut lui toucher l'épaule. Non mais, il avait son espace vital personnel, aussi!

-... Ami.

Et puis c'était quoi ces insinuations quant aux fréquentations de Grégoire? Pour autant que Michael pouvait en juger, il ne se tenait qu'avec des membres de Ganymède... Et si c'était justement à cela qu'elle faisait allusion? En plus, elle les traitait de menteur! C'était totalement vrai qu'aucun Grégoire n'habitait ici -pour le bonheur de Jeremiah!

En tout cas, le pauvre français ne semblait plus être dans son assiette tout à coup. Et après des au revoirs -ou étaient-ce des adieux- aussi rapides et grossiers que l'arrivée de la femme, son neveu et elle-même quittait. Michael ne réalisa même pas que personne ne fermait la porte lorsqu'il la bloqua du pied pour proposer, après avoir lancé un regard découragé à son coloc :

-Dites, je -on- peux vous accompagner, peut-être?

"Je mens à qui je veux, je suis chez moi." S'entêta le geek avec une évidente mauvaise foi. L'argument était absurde mais ça n'avait pas l'air de le déranger. De toute façon, les choses s'accéléraient de façon notable et Grégoire était presque déjà parti, au grand damne de l'autrichien. Jeremiah n'avait aucune sympathie pour lui mais il trouvait ce départ précipité étrange. Il avait beaucoup de choses à reprocher à Grégoire mais il ne l'avait jamais vu s'écraser comme ça, tata tenait maman en otage ou quoi ??

"Ça m'étonnerait Micha', t'as pas de laisse toi." Remarqua-t-il, pour une fois volontairement désagréable en comparant le français à un caniche.

Les tentatives de Michael tombaient complètement à plat. Même si cela avait un tant soit peu intéressé la jeune femme, elle n'aurait pas fait l'effort poli d'y accorder la moindre importance en ce moment précis. Elle touchait à son but, et c'est tout ce qui l'intéressait.

A la réponse de Jeremiah, elle se retourna, et lui lança un regard aussi glacial que l'américain resta tétanisé. Et non pas au sens litéral mais bien au sens propre: il ne pouvait plus bouger d'un pouce. Il arrivait au mieux à prendre une respiration opressée et saccadée.

"Soyez correct, jeune homme", rappella t-elle à l'ordre alors que Jeremiah était toujours saisi d'une paralysie incrotrolable.

Lorsque Michael bloqua la porte de son pied, il sentit comme une décharge dans sa jambe, qui remonta vers son buste puis sa tête. Et chez lui aussi, la même sensation d'immobilité morbide. Aucune possibilité de se mouvoir, de retenir son ami qui partait sous ses yeux pour une destination inconnue en compagnie de cette folle furieuse.

Grégoire restait impassible: était-il lui aussi sous l'emprise de la jeune femme ?

Elle ouvrit la portière, rechaussa ses lunettes et le fit entrer à l'arrière du véhicule. Elle referma la portière avant de s'engouffrer à la place passager, non sans un dernier mot pour les deux mutants:

"C'était charmant, merci de votre accueil. Et bonne continuation ! " dit-elle d'un ton enjoué, jovial et presque rieur en envoyant de la main des signes d'adieux.

La porte claqua et la voiture démarra presque instantanément. A mesure qu'elel séloignait, les membres des deux amis s'engourdirent et se relachèrent, ils retrouvaient peu à peu leur mobilité et d'un regard, ils comprirent qu'ils venaient de subir une attaque similaire.

Grégoire était déjà loin.

[Si vous voulez, vous pouvez jouer la suite, ou on fera un saut temporel au retour de Michaelinounet]

Qu'est-ce que Miah faisait? Michael voulut se retourner pour lui demander des excuses, mais son corps se mit à lui désobéir. Il refusait de bouger, sa respiration en devenait difficile. Son sang se souillait-il dans ses veines par la même occasion? Et tout ce qu'il voyait, tout ce qu'il pouvait voir, directement en face de lui, c'était son amoureux enfin retrouvé qui l'abandonnait et prenait la fuite avec sa mégère de tante.

Peu à peu, il reprenait le contrôle de ses membres, mais pas encore tout à fait de ses émotions. Terminant le geste qu'il avait entamé, l'Autrichien usa du dos de sa main pour frapper son colocataire à l'épaule. Davantage pour faire passer le message que pour le blesser.

-Ne le traite pas de chien!

Michael se frotta le dos de la main, ferma la porte du bout du pied et lança, d'un ton faussement blagueur :

-Tu me promets que personne dans ta famille n'a de tels pouvoirs?

Le germanophone appuya ensuite son dos contre la porte et commença à se plaindre à voix basse.

-Il ne m'a même pas dit au revoir, ne m'a pas regardé. C'est la deuxième fois qu'il m'abandonne. Après tout ce temps... J'ai... j'ai espéré que ca fonctionne, qu'il me pardonne. Mais tout ce temps, tout ce ... temps il a... il s'est... bien moqué... de moi.

Aussi sûrement qu'il se lamentait, la plainte se transforma en sanglot et Michael s'accroupit en boule, désespéré de comprendre que Grégoire n'avait en fait jamais partagé ses sentiments.

Perdre le contrôle de son propre corps était une expérience que Jeremiah ne conseillerait à personne. Quand enfin il put reprendre le dessus sur le sien, à son grand soulagement, il se rendit compte que ses mains tremblaient et qu'il peinait à retrouver son souffle. Le geek ne nota même pas que Micha' venait de le frapper et au lieu de grommeler comme d'habitude, il s'assit directement au sol, le temps de reprendre une contenance.

"Pas que je sache... Finit-il par répondre à son colocataire. Mais on est pas très bavard dans la famille alors je peux pas te le promettre."

Ses propres parents ignoraient toujours sa propre condition mutante, c'était dire ! En attendant, ce n'était pas ses relations familiales à lui qui posaient problème. Embarrassé, comme à chaque fois qu'il était témoin de débordement émotionnel, Jeremiah se mordit la lèvre alors que son meilleur ami s'effondrait. Se relevant lentement, il s'approcha de Michael et s'accroupit près de lui, hésitant sur les mots qui pourraient consoler. "Laisse tomber, c'est un connard, on commande une pizza et tu l'oublies ?" Si le jeune homme n'avait pas été dans un tel état de détresse, c'est très certainement ce qui se serait passé. La meilleure méthode pour se débarrasser définitivement de Grégoire.

"Micha'..."

Gros soupir.

"Je crois pas qu'il soit parti de son plein gré. Quand j'ai dit laisse, je déconnais pas. La dernière fois, je lui ai juste fait remarqué qu'il était bourré et il m'a sauté dessus. Je viens de le traiter de caniche et il a pas réagi. Tu trouves ça normal ?"

Défendre cet abruti lui était complétement anti-naturel et il ne s'attarda pas sur le sujet. Il regrettait déjà de ne pas l'avoir enfoncé. L'occasion était pourtant parfaite. Laissant le germain se remettre de ses émotions, Miah passa à la cuisine et prépara un peu de thé pour son ami. Convention sociale de base : proposer une boisson chaude à ceux qui n'allaient pas bien, faute de mieux.

Les deux amis étaient au plus bas. Soudés par la mésaventure qu'ils venaient de vivre, ils devaient se tourner vers l'avenir. Et c'est Jeremiah qui proposa une porte de sortie.

Ce dernier n'avait pas fait trois pas en direction de la cuisine que le téléphone de l'appartement sonna. Les deux garçons purent le sentir instantanément: ce n'était pas une bonne nouvelle.

Au téléphone, Jason. Entre deux silences gênés, l'air complètement hagard et la voix blanche, il leur annonça la nouvelle qui venait de tomber: Markus Wiseman venait d'être retrouvé mort, chez lui. Avec sa mort, c'était toute l'organisation de Ganymède New-York qui s'effondrait.

Jason s'impliqua énormément dans la recherche de la vérité et même si la police New-Yorkaise n'appréciait pas qu'on s’immisce dans ses affaires, quelques pattes bien graissées lui permirent d'avoir des informations qui fit le tour de Ganymède très rapidement: les causes de la mort de Markus étaient inexpliquées même si tout se rapprochait d'un simple arrêt cardiaque. Personne ne parlait ouvertement de meurtre même si on se demandait comment un tel monument de la lutte mutante pouvait aussi facilement disparaître. Jason mit la main sur les photos de caméra surveillance des personnes qui avaient rendu visite à Markus dans les jours qui précédaient son décès: deux retinrent l'attention de Jeremiah et Michael: Photo 1 - Photo 2

Saut temporel

Le coeur lourd, la poitrine oppressée, Michael avait de nouveau l'impression de suffoquer. Il en voulait au monde de foutre sa vie en l'air, il en voulait à Grégoire de ne jamais avoir tenté de réparé les pots cassés, il en voulait à Jeremiah de détester Grégoire, et il s'en voulait. Il s'en voulait affreusement de... de tout, probablement, il ne savait même plus. Il resta là quelques instants, sans répondre à son colocataire -qui avait bien raison- parti s'affairer dans la cuisine.

Ensuite, il se leva en tentant de se convaincre que la haine et le regret ne changeraient rien à la situation, pas plus que le ressentiment. Passant à la cuisine, l'Autrichien avisa le thé que préparait l'américain et sentit comme une bouffée de chaleur dans le coeur. Décidément, son colocataire méritait de bien meilleurs amis que ce que Michael était, et il se promit de lui présenter une princesse en haut de son donjon, dès qu'il ressortirait de l'appartement. Pour l'instant, le mieux qu'il trouva à faire fut de prendre Jeremiah dans ses bras et le câliner.

-Merci!

Michael lâcha rapidement son associal de service pour prendre sa tasse de thé et la but à petites sapées en demandant :

-Et maintenant... on fait quoi?

C'est à ce moment que le téléphone sonna : Michael le regarda d'un oeil noir. Préférant rester couper du monde pour encore quelques éternités plutôt que de répondre, il envoya Jeremiah aux nouvelles. Ce dernier, après avoir salué Jason, mis le téléphone en mode mains libres et les deux Ganymédiens reçurent la nouvelle comme un coup de fouet.

Le germanophone n'aurait su dire combien de temps s'était passé avant qu'ils ne mettent la main sur les photos que Jason leur fit parvenir, mais il s'indigna immédiatement :

-Elle!

Et puis, il y avait aussi le Français un peu louche qu'ils avaient visités.

-Ca te dit de faire un tour à Paris? demanda Michael à Jeremiah. Et puis, si Jason voulait se joindre à eux, il ne voyait pas pourquoi ils refuseraient...